POUR UNE NOUVELLE INTERPRETATION DU MYTHE D’ADAM ET ÈVE : LE MIROIR EXISTENTIEL

Il n’y a pas de péché originel dans le judiaïsme nous dit Didier Roittman. « Les gens naissent sans trace de culpabilité. » La création est bonne nous dit l’Eglise catholique.

Et pourtant, il fallut que le dogme du péché originel sortit du cerveau d’un homme, et ce, avec toutes les conséquences néfastes qui s’y attachaient parmi lesquelles la stigmatisation de la femme.

Dans cet article, je me place du point de vue d’un croyant qui prône une nouvelle interprétation du mythe d’Adam et Eve, inspirée à la fois par l’œuvre de Claude Tresmontant et celle de Pierre Teilhard de Chardin.

Dans la perspective du croyant ou de l’athée, si il était interprété de la manière qui va suivre, ce mythe biblique de la création, pourrait être considéré à la fois comme réellement inspiré et comme un événement très heureux.

Malheureusement, bon nombre de docteurs, et notamment Saint-Augustin et Jean Calvin, virent dans ce mythe le prototype de la faute et l’essentiel leur échappa.

Inlassablement, des hommes souvent névrosés, obsédés par ce qu’ils considéraient comme des vices, ne cessèrent de gloser sur la désobéissance et la rébellion de l’homme face à son créateur.

Ces hommes-là semblèrent ne pas comprendre que le processus de déploiement de la conscience sur elle-même n’avait pas fait de l’homme un criminel, mais une créature potentiellement criminelle.

Ces hommes-là ne comprirent apparemment pas que cet extraordinaire changement d’état n’entachait en rien l’humanité naissante.

Certes, la désobéissance d’Adam et d’Ève préfigurerait les résistances futures d’une partie de l’humanité au dessein de Yahvé, mais la prise de conscience de sa nudité par l’ancêtre mythique signifiait bien plus.

Malheureusement, des hommes souffrant d’une véritable névrose obsessionnelle occultèrent la signification fondamentale de ce fabuleux récit.

Et au lieu de célébrer le don du miroir existentiel, ils ne firent que stigmatiser la désobéissance du couple originel.

En réalité, ces hommes-là furent hantés par leur propre culpabilité et, afin de s’en délester à moindres frais, ils ne manquèrent pas de la projeter sur l’humanité tout entière. C’est alors qu’ils produisirent l’idée réellement néfaste et trompeuse d’une humanité souillée par le péché originel.

Jean-Calvin voyait dans le péché originel « une corruption et une perversité héréditaire de notre nature qui, étant répandue sur toutes les parties de l’âme, nous fait coupables ». Ce dernier allait même jusqu’à s’exclamer devant chaque nouveau-né, « Arrière, serpent ! »

Quant à Saint-Augustin, il était obsédé par sa propension à souiller son lit le matin après une nuit remplie de rêves érotiques.

Finalement, ces théologiens firent fi de la parole d’Ézéchiel, selon laquelle, « Le fils ne supportera pas les conséquences de la faute commise par son père, et le père ne supportera pas les conséquences de la faute commise par son fils. » (Ezéchiel 18,20).

Il passèrent également sous silence ces mots :


« Les pères ne doivent pas être mis à mort pour les enfants, ni les enfants pour les pères: on ne sera mis à mort que pour son propre méfait » (Deut. 24.16).

Ces hommes tourmentés par la culpabilité allèrent jusqu’à faire payer à ces petits êtres et surtout à la femme, la faute du couple mythique, contrevenant ainsi au principe selon lequel le fils ne porterait pas la faute du père.

Selon moi, ces obsédés, ces activistes du péché originel se sont fourvoyés. Car au lieu de se déterminer à soigner leurs névroses envahissantes, ils s’employèrent à édifier des dogmes soutenant leurs représentations erronées.

En réalité, l’histoire d’Adam et Eve nous informe qu’il fut un temps où un formidable changement d’état vint à se produire. Puisqu’immédiatemment après avoir consommé le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, ils prirent conscience de leur nudité.

« La femme se dit : les fruits de cet arbre sont beaux, ils doivent être bons. Ils donnent envie d’en manger pour savoir plus de choses. Elle prend un fruit de cet arbre et le mange. Elle en donne à son mari qui est avec elle, et il en mange aussi. Alors leurs yeux s’ouvrent. Maintenant, ils voient qu’ils sont nus. » (Genèse 3,6-7.)

Submergés par la honte, ces ancêtres éponymes tentèrent alors de se cacher, fuyant l’image réfléchie par le fabuleux miroir offert par Yahvé, et cherchant à masquer leur ascendance animale.

Selon Claude Tresmontant, de toute éternité, Dieu, Allah, Yahvé, peut-importe le nom que l’on lui attribue, fut conscient que la matière, l’ADN, ne demeurerait pas le seul réceptacle de l’information créatrice délivrée par lui et que le vivant cesserait un jour d’être régi uniquement par les gènes et les instincts.

De toute éternité, il décida de conférer à sa créature la liberté d’agir.

De toute éternité, il fut conscient qu’en faisant accéder sa créature à la conscience réflexive, il devrait désormais s’adresser à l’intelligence humaine.

De toute éternité, il fut conscient que sa créature, une fois dotée du miroir existentiel, pourrait refuser de coopérer avec lui.

De toute éternité, il fut conscient que cela était le prix à payer pour que sa créature jouisse de la liberté.

De toute éternité, il fut conscient que l’instruction délivrée par des prophètes inspirés serait parfois méprisée.

De toute éternité, il fut conscient que l’homme serait tenté de projeter ses mauvaises pensées sur ses frères.

Finalement l’être humain semble parfois ne pas avoir pris conscience de l’extraordinaire pouvoir du miroir existentiel dont Dieu l’a doté, de ce Graal susceptible de conduire l’être humain vers le perfectionnent, vers l’achèvement spirituel.

A l’heure où les neurosciences ont fait des progrès considérables, où la conscience réflexive est l’un des sujets de recherche sur lequel les chercheurs travaillent le plus, à l’heure où certains en sont encore à chercher un critère susceptible de distinguer l’Homme de l’animal, l’adoption de cette interprétation me semble opportune.

Selon l’auteur, le Graal est la connaissance de soi, en particulier celle du fonctionnement de son intellect. Et l’appropriation progressive par l’être humain de son appareil cognitif doit être rendue possible grâce à l’accumulation et à l’exploitation des données scientifiques, notamment des neurosciences, de la psychologie, de la linguistique cognitive.

Chacun devrait également s’attacher à user du miroir existentiel (conscience réflexive) pour identifier ses propres biais cognitifs, affectifs…

Le péché originel est juste selon moi un dogme qui n’a pu lieu d’être. Il n’existe pas chez les juifs. Il est le produit d’esprits tourmentés.

Un mauvais arbre pourrait-il porter du bon fruit ? Luc répond à cette question par la négative (6-43).

Enfin, rappelons que ce dogme induit une représentation très négative des femmes, représentation dont celles-ci ont souffert pendant des siècles.

En conclusion, l’Église fera bien de disqualifier définitivement cette invention, ce concept de péché originel, dont finalement le principal intérêt, purement commercial, est de fournir une justification artificielle au baptême.


3 commentaires

  1. J’ai apprécié la lecture de cette « interprétation ». D’autant que ce phénomène d’auto flagellation est assez typique de la mentalité suisse qui a tendance à privilégier la garantie de perdre au risque de gagner….

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