SERIE ORIGINALE : LE NAZAREEN POURRAIT VOUS DIRE CELA (EPISODE II)

Chères lectrices, chers lecteurs, voici une nouvelle série de textes originaux intitulée : « Le Nazaréen pourrait vous dire cela.

Il s’agit d’une production littéraire dont le procédé est audacieux et original.

C’est en tentant de m’imprégner de l’enseignement de Jésus, sans considération pour les dogmes, que j’ai conçu cette série qui met en scène un Jésus sans concession qui produit un discours rude et parfois tranchant, dont il appartiendra au lecteur de décider s’il pourrait avoir pour émetteur, cet homme qui fréquentait les gens de mauvaise vie et qui un jour déclara :

« Laissez les morts ensevelir leurs morts »

Les sources utilisées par l’auteur pour tenter de cerner la personnalité et l’enseignement de Jésus se résument aux quatre évangiles et aux trois livres suivants :

Amazon.fr – Vie et destin de Jésus de Nazareth – Marguerat, Daniel – Livres

Amazon.fr – L’enseignement de Ieschoua de Nazareth – Claude Tresmontant – Livres

Vie de Jésus – Ernest Renan – Achat Livre | fnac

EPISODE 2 : SUR LE DIABLE

En vérité, je vous le dis, c’est à une humanité en gestation, inachevée et pressée de naître que l’image du diable[1] fut donnée.

Comprenez bien ! Il fut des temps et des lieux où l’intelligence de l’homme, peu portée au raisonnement abstrait, demeurait ancrée dans la concrétude.

C’est la raison pour laquelle mon Père, le Tout-Puissant et l’omniscient, considérant les limites mentales des peuples de la Terre, envoya comme premiers instructeurs des hommes à même d’adapter leur enseignement à l’intelligence des peuples dont ils étaient issus.

En vérité, je vous le dis, pour les hommes qui vous précédèrent, il était plus facile de s’imaginer lutter contre un être réel que contre une idée abstraite ou une pulsion inconsciente[2]. C’est pourquoi le mal appela le diable[3], le diable devint l’ennemi, et la guérison appela le combat. Et pour reconnaître le mal afin de le guérir, il fallut que l’esprit créât le diable afin de désigner l’ennemi et d’engager le combat.

Comprenez donc ! Les hommes auxquels s’adressèrent les prophètes ignoraient les concepts de névrose et d’inconscient, car les tréfonds de l’âme humaine demeuraient encore inexplorés.

Ainsi, la conscience balbutiante peinant à identifier ses démons intérieurs, il n’était pas concevable pour les hommes de la durée passée de lutter contre une émanation de soi. C’est la raison pour laquelle des hommes inspirés créèrent l’idée du diable.

Que ceux qui ont des oreilles pour entendre entendent ! Depuis des millénaires, la projection est à l’œuvre. Et il y a bien longtemps, des représentations intérieures de l’homme qui produisaient du mal furent artificiellement expulsées du moi, puis projetées[4] sur un être imaginaire désigné ennemi du moi et perçu comme désireux de le submerger et d’en prendre le contrôle. Le diable devint alors l’envahisseur exécrable, l’émanation du mal et l’ennemi à combattre.

Ainsi, la figure du diable fut utile aux fils de l’homme. Car c’est en attribuant à un principe extérieur les mauvaises pensées fabriquées par son propre cœur que l’homme se décida enfin à les combattre.

Comprenez ! Les hommes de la tradition employèrent ce même procédé lorsque, refusant d’admettre la faiblesse d’Ahmad[5], ils décidèrent d’attribuer au diable des versets prononcés par leur prophète[6].

Car lorsque les Qurayshites[7] s’exclamèrent : « Allons-nous abandonner nos divinités pour un poète fou[8] », c’est bien une propension intérieure au compromis qui incita Muhammad à justifier l’adoration des déesses Allât, al-‘Uzza et Manat.

Entendez donc ! Il n’était nul besoin de prétendre que le diable déposa lui-même ces versets sur la langue de Muhammad[9]. Nul besoin, en effet, de sauver l’image de Muhammad, car cet homme, digne de louange, prit lui-même conscience de son erreur et se réforma pour la plus grande délectation de son Seigneur[10].

Comprenez ! Les tendances névrotiques et les ressorts inconscients de l’humanité inachevée génèrent des représentations erronées. Et les représentations erronées produisent le mal.

En vérité, je vous le dis, le diable n’est autre qu’une entité dépourvue d’existence sur laquelle tout le mal fabriqué par le cœur de l’homme fut projeté.


[1]. Shaytân en arabe.

[2]. La plus grande partie de l’activité psychique humaine n’atteint pas le seuil de la conscience. Pour Freud, « tout comportement du moi qui satisfait à la fois les exigences du ça (nos pulsions), du surmoi (somme des interdits intériorisés) et de la réalité », et qui réussit cette conciliation, est correct.

[3]. Il s’agit d’un mécanisme de personnification.

[4]. La projection est un puissant mécanisme de défense par lequel une personne attribue à une chose, une personne ou une entité, des éléments de son espace psychique, de sorte d’expulser de sa conscience le lien qui unit cet élément à sa représentation du moi.

[5]. Il s’agit d’un des noms utilisés pour désigner Mohammed (Mahomet). Il signifie « digne de louange ».

[6]. Selon une tradition rapportée notamment par Al-Tabari, connue sous le nom de « récit des grues », les versets suivant les versets 19 et 20 de la sourate 53 seraient des versets authentiques, initialement intégrés dans le Coran, mais qui en auraient été extraits.

Même si ces versets ne figurent plus dans les éditions actuelles du Coran, Régis Blachère les intègre dans sa version française et les traduit comme suit : « Ce sont les sublimes déesses / et leur intercession est certes souhaitée ».

Le verset 52 de la sourate 22, de nature métatextuelle, fait très vraisemblablement référence à ces versets dits « sataniques » : « Nous n’avons envoyé, avant toi, ni Messager ni prophète qui n’ait récité [ce qui lui a été révélé] sans que le Diable n’ait essayé d’intervenir [pour semer le doute dans le cœur des gens au sujet] de sa récitation. Allah abroge ce que le Diable suggère, et Allah renforce Ses versets. Allah est Omniscient et Sage. »

[7]. Il s’agit de la plus puissante tribu mecquoise qui, au début de la prédication de Mohammed, refusa de suivre son appel et l’obligea à quitter la Mecque et s’exiler à Médine.

[8]. Coran 37v36.

[9]. L’enjeu dogmatique est très important. En effet, laisser croire que Mohammed ait pu faillir, même s’il fut apte à se ressaisir, sape le principe d’infaillibilité du prophète inventé par la tradition, lequel fonde la charia.

Autre conséquence gênante : l’idée que Mohammed serait lui-même l’auteur de certains versets. Si Mohammed est le créateur de certains versets, comment distinguer la parole de Dieu de la parole d’un homme ? Consciente de cette catastrophe théologique, la tradition fut très gênée et, dans un premier temps, elle inventa l’idée que le diable avait insidieusement inspiré Mohammed avant d’extraire définitivement ces versets du Coran.

[10]. Le verset 23 de la sourate 53 est plus tardif. Il attribue à Mohammed un point de vue exactement opposé, à savoir que les trois déesses n’existeraient pas (« Allah n’a fait descendre aucune preuve à leur sujet »). Des versets neutralisent ainsi d’autres versets en ayant recours à un métalangage et à une défense dogmatique autoréférentielle.

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