Une théorie ou une idée ne peut s’apprécier que par l’effet de contraste qu’une autre théorie ou une autre idée est susceptible de faire apparaître.
Ce point de vue était à la fois partagé par John Stuart Mill, selon lequel l’opinion générale sur un sujet n’étant jamais « la vérité toute entière, c’était seulement grâce au choc avec des opinions contraires que ce qui reste de vérité peut avoir quelque chance de s’offrir» mais aussi de manière implicite par Ferdinand de Saussure qui considérait que le signifiant et le signifié se mesurait par une différence ou en d’autres termes que « dans la langue, il n’y avait que des différences sans termes positifs. »
Pour illustrer notre propos, nous considérerons deux personnalités de premier plan, Claude Bernard, le fameux médecin physiologiste et Carl Gustav Hempel, un célèbre philosophe des sciences.
Pour Claude Bernard, les remèdes thérapeutiques ne peuvent se comprendre que par la connaissance des mécanismes intra-organiques. En l’absence d’une telle connaissance, la médecine n’aurait d’autres ressources que les statistiques.
Ainsi le médecin serait condamné à choisir un médicament uniquement parce qu’il aurait guéri un certain nombre de fois et dans le même temps à se maintenir dans l’ignorance du processus physiologique par lequel le médicament aurait agit.
Pour Claude Bernard, ce type de médecine serait une médecine conjecturale car fondée sur des statistiques, contrairement à sa médecine de prédilection devant absolument prendre un tour scientifique et expérimental, pour ne pas rester dans cet état embryonnaire.
A l’opposé de cette conception, il y a celle de Carl Gustav Hampel, selon laquelle, la science se réduirait à élever au rang de loi, des phénomènes identifiés par l’émergence de régularités absolues ou scientifiques.
A titre de conclusion de ce court article, nous reprendrons en substance les propos de Robert Franck, professeur en philosophie des sciences :
Au lieu qu’une fois les régularités empiriques relevée et modélisées et une fois étiquetée comme lois, ces lois soient considérées comme venant expliquer les phénomènes dont les régularités ont été préalablement détectées et modélisées, ce sont ces régularités que la science aurait vocation à expliquer par l’examen du processus les ayant produites et celui des conditions les ayant rendues possibles.
La partie en italique représente la conception d’Hempel et l’autre partie en caractères gras celle de Claude Bernard qui considérait qu’en définitive, la conception d’Hempel représentait « l’état de déficience » de nos connaissances.